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Cette couverture vous dit quelque chose ? Normal, vous l’avez vue fin mars de cette année, sur “Accueillir les Différences”, et peut-être avez-vous téléchargé le super livret après avoir répondu au questionnaire…

Alors, allez voir là  ou lisez d’abord l’interview que Rémi et Sylvie nous ont accordée… en exclusivité pour “Accueillir les Différences”… Merci à eux d’avoir pris de leur temps précieux (ils sont en pleine préparation de leur soutenance de mémoire) et merci à vous de participer à leurs travaux ! 

Sylvie JACQUES et Rémi SAMIER, orthophonistes – Auteurs du livret « Pédagogie et neuropsychologie : quelles stratégies pour les enseignants? »,
réalisé dans le cadre du D. U. « Neuropsychopathologie des Apprentissages scolaires » de l’Université Claude Bernard Lyon 1.

Pouvez-vous nous présenter votre livret ?
Nous avons réalisé un livret à destination des enseignants, mais il peut être lu par tout public intéressé par la pédagogie et la neuropsychologie. Ce livret a 3 objectifs. Permettre aux enseignants :

  1. de comprendre comment les fonctions cognitives s’appuient sur le fonctionnement cérébral et sont impliquées dans les apprentissages ;
  2. de mieux cerner les troubles dys- ;
  3. d’utiliser en classe des stratégies pour chaque fonction cognitive.

Comment vous est venue cette idée ?
Par le biais d’une association de prévention en orthophonie l’AGOPAL, nous avons participé de 2011 à 2014 à la mise en place d’un projet d’information et de sensibilisation autour des enfants dys-. Cette action a été menée avec différents partenaires institutionnels (Médecins scolaires, Caisses d’assurances maladie et Agence Régionale de la Santé). Pour sensibiliser les médecins généralistes, des soirées d’informations sur les troubles dys- ont été organisées dans le cadre de la formation médicale continue des médecins généralistes d’Aquitaine. Des formations pour les enseignants étaient en projet mais n’ont pas pu être mises en œuvre. Quand nous avons réfléchi à un sujet de mémoire pour le D.U., l’idée de créer un document pour les enseignants s’est inscrite dans la continuité de ce projet.

Pour accéder à votre livret, il faut répondre à un questionnaire. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Nous souhaitons vérifier si le livret a atteint ou non ses objectifs. Par ailleurs, nous voulons déterminer les améliorations à apporter au document. Nous avons donc réalisé deux questionnaires, un avant et un après lecture du livret.

Pouvez-vous nous dire deux mots des résultats ?
Le questionnaire est toujours en ligne. Nous souhaitons en effet avoir un maximum de réponses avant notre soutenance. Nous pourrons vous présenter les résultats du questionnaire fin juin. En effet, tant que l’expérimentation n’est pas terminée, la diffusion des résultats partiels pourrait fausser le recueil des données. Actuellement, il y a 2000 personnes qui ont répondu au questionnaire avant lecture et qui ont pu télécharger le livret. 32 % d’entre elles sont des enseignants. Plus de 200 personnes ont répondu au questionnaire après lecture.

Comment envisagez-vous la suite ?
Les commentaires libres du questionnaire d’après lecture nous permettent de prévoir une version améliorée du livret. Plusieurs lecteurs nous ont suggéré d’accompagner ce livret d’une formation à destination des enseignants. C’est un projet qui nous enthousiasme !
D’autre part, nous envisageons de proposer un livret équivalent, mais adapté aux élèves, qui leur permettrait de comprendre le fonctionnement cérébral et l’intérêt de l’entraînement de leurs fonctions cognitives.
Nous aimerions aussi créer pour les enseignants un recueil d’activités ludiques à proposer en classe pour solliciter les fonctions cognitives de leurs élèves.

Quelles sont les ressources que vous conseilleriez aux enseignants ?
A la fin du livret, nous avons cité plusieurs ouvrages et sites. Les enseignants doivent déjà les connaître, mais pour nous, deux furent de belles découvertes :

  • La Fondation La Main à la Pâte développe un projet autour du cerveau et des apprentissages à destination des élèves.

http://www.fondation-lamap.org/fr/cognition

  • Les ouvrages de Jean-Philippe Lachaux, notamment “le Cerveau Funambule”, offrent des perspectives pédagogiques passionnantes sur les questions de l’attention.

Rémi et Sylvie, vous êtes orthophonistes tous les deux. Actuellement en formation “neurosciences”. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous apprenez, et quels en seront les bénéfices pour vos patients ? En quoi les dernières recherches et découvertes sur le fonctionnement du cerveau peuvent-elles être “utiles” pour les soignants, rééducateurs, enseignants ?

Le diplôme universitaire « Neuropsychopathologie des apprentissages scolaires » http://offre-de-formations.univ-lyon1.fr/parcours-726/neuropsychopathologie-des-apprentissages-scolaires.html# que nous suivons à Lyon est plutôt orienté sur la neuropsychologie clinique du développement. Il est ouvert principalement aux professionnels de santé. La neuropsychologie est une approche transdisciplinaire qui permet de faire les liens entre les sciences cognitives et les avancées sur le fonctionnement cérébral. Le champ des neurosciences est vaste, cela va de l’étude des cellules et des neurones à celui des réseaux neuronaux en lien avec les fonctions cognitives. Clinique, car il s’agit de former des professionnels de santé aux troubles qui affectent l’enfant. L’une des principales expressions d’un trouble cognitif chez l’enfant concerne les apprentissages scolaires. Comme l’enfant est un individu en devenir, il est important de garder en tête une approche développementale. L’objectif d’une telle formation est de comprendre plus précisément comment se développe un enfant, ce qui se passe au niveau neurologique et cognitif, comment ce développement peut être affecté et comment y remédier. Il existe également sur Lyon un diplôme universitaire à destination des enseignants : http://espe.univ-lyon1.fr/formation/ash/le-du-nep-presentation-714974.kjsp?RH=1368516741934 .
De par notre expérience de cliniciens, il nous semble difficile d’aborder les apprentissages d’un point de vue éducatif ou rééducatif sans chercher à comprendre ce qui se passe au niveau sensoriel, moteur, praxique et cognitif. Les avancées des recherches en sciences cognitives et en neurosciences depuis ces dernières décennies permettent de repenser nos approches théoriques et pratiques. L’objectif est d’être au plus proche des avancées pour pouvoir mieux travailler dans l’intérêt des enfants.
Grâce au D.U., nous avons eu la chance de découvrir les travaux et les ouvrages de Jean-Philippe Lachaux sur l’attention et les fonctions exécutives. Son approche très claire, en lien avec les activités quotidiennes et scolaires, nous a particulièrement plu. Les stratégies qu’ils proposent sont facilement utilisables en classe comme en rééducation.

Comment vivez-vous au quotidien, dans votre métier d’orthophoniste, le partenariat “école/famille/rééducateurs” ? Constatez-vous des freins, des obstacles ? des améliorations ? des avancées ?…
Nous œuvrons pour un travail en partenariat. Dans la majorité des situations, les échanges sont riches et dans l’intérêt des élèves dys-. Nous sentons au cours des années une prise en compte plus facile de l’utilité des aménagements pédagogiques. Nous sommes également conscients des contraintes qui pèsent sur les enseignants (groupe classe, programmes, réformes, etc.)

Que répondriez-vous à des enseignants ou des parents qui disent que les troubles dys sont une mode ?
Comme les connaissances évoluent, l’amélioration des dépistages et des diagnostics donne l’impression que les troubles dys- sont plus nombreux.
que s’il y en a de plus en plus, c’est que l’école ne fait plus son travail, que cela tient aux méthodes de lecture….. ?
Les troubles dys- sont des troubles neurodéveloppementaux et les pédagogies utilisées ne peuvent en être la cause. Néanmoins, si les pédagogies ne sont pas adaptées, le retentissement négatif des troubles (handicap) sur la scolarité peut être majoré.

J’ai le sentiment depuis quelque temps que les “définitions” des troubles se “confondent” un peu, et que les indicateurs sont moins tranchés qu’il y a quelques années, que nos connaissances sur les fonctions cognitives nous donnent des pistes d’adaptation ou de remédiation similaires que l’on soit dyslexique, dyspraxique, dyscalculique… Qu’en pensez-vous ?
En presque 10 ans, nous sommes passés d’une analyse par symptômes (les dys- conséquences sur les apprentissages : dyslexie, dysorthographie, etc.) à une analyse et une approche par causes (les fonctions cognitives). Aujourd’hui les diagnostics ne cherchent plus seulement à mettre en évidence les symptômes mais à identifier les causes ou dysfonctionnements cognitifs. Cela permet des prises en charge plus adaptées tant sur le plan des aménagements pédagogiques que des soins.

Quel message feriez-vous passer aux enseignants qui accueillent des dys et qui se sentent parfois bien seuls, confrontés aux “programmes”, aux évaluations chiffrées, aux exigences des examens et parfois aux injonctions des rééducateurs et des familles ?
Nous partons du principe qu’il y a des personnes bienveillantes dans tous les environnements. L’objectif est d’identifier les collègues et professionnels de santé avec lesquels échanger et créer un partenariat afin de ne pas se sentir seul. En plus avec internet, il est facile de partager ses ressentis, ses expériences et de trouver des aides. Pour finir de plus en plus de structures (réseaux dys, SESSAD, centres référents, etc.) s’organisent pour aider au quotidien les enseignants et les professionnels de santé en première ligne. Le problème n’est pas forcément un manque de personnes ou d’informations, mais de trouver les bonnes personnes et les bonnes informations au bon moment, d’où la nécessité de développer des documents synthétiques et des lieux d’échanges et de rencontres, comme par exemple les équipes éducatives.

Nous attendons donc avec impatience la nouvelle mouture du livret, les résultats du questionnaire et bien sûr la réussite du DU de Sylvie et Rémi !!